Spiritualité : Mon chemin avec le grand tout
En fait, enfant, grâce à ma mère, j’étais connectée à la spiritualité. Tous les dimanches nous allions à la messe. Ce jour-là, nous mettions nos habits du dimanche, et ma main gantée de dentelle se lovait dans sa main sur le chemin de l’église.
J’aimais vraiment beaucoup ces moments-là. J’aimais cette ambiance à l’intérieur de l’église. Ce n’était pas vraiment le catéchisme qui m’avait initié, avec le prêtre qui plongeait ses yeux dans le décolleté de ma copine qui d’ailleurs était très en avance sur son âge en tous cas physiquement car à l’époque j’avais entre 6 et 8 ans et elle devait en avoir 10 ou 12.
Donc j’appréciais beaucoup disais-je d’aller à l’église. Oui c’était un autre monde, une toute autre ambiance. Je m’en souviens bien. Quand j’allais communier, j’allais manger le corps du christ en avalant l’ostie, c’était solennel et je devais vraiment faire tout ça très sérieusement et ca me plaisait. Je le faisais naturellement sans contrainte aucune, j’étais dans mon élément. Ma mère d’ailleurs devenait grave et sérieuse, elle se recueillait.
En fait, je vivais en Algérie, lorsqu’elle était encore française et que la guerre d’indépendance avait éclaté. A cette époque, dans la rue il n’était pas rare que je voie des cadavres recouverts d’un drap blanc tâché de sang. C’était la guerre civile en fait, c’est à dire que l’on assassinait des civils qui vaquaient à leurs occupations, parfois des mendiants qui faisaient la manche. J’avais alors une drôle d’idée des adultes. A Alger, du haut de mes huit ans, pour moi, ils étaient bien stupides de faire la guerre. Il devait bien y avoir une autre solution bien plus simple pour vivre en paix. Et j’avais un bout de la solution quand j’assistais à l’office du dimanche mais je n’en avais pas vraiment conscience. Je retrouvais simplement cette paix qui m’était si chère et qui le sera tout au long de ma vie.
Lorsque l’indépendance fut déclarée, nous fûmes obligés de partir. En fait c’était mon pays natal, le seul que j’avais connu et oui nous n’avions pas beaucoup voyagé. Mes parents n’étaient pas des colons comme on peut l’imaginer riches et arrogants. Mon père travaillait à la SNCF et ma maman était femme au foyer. C’était un foyer modeste, et je peux même préciser que mon père avait beaucoup d’amis algériens qui, par la suite, pendant la guerre, l’avaient quand même mis en joue lors des couvre-feux. La stupidité de la guerre encore…
Bref, nous voila alors dans cet immense avion qui avait 2 étages et où mon frère et moi courions dans les coursives de haut en bas.
Et puis la France.
Bizarrement, nous devions aller à la messe, sûrement, mais ce n’était plus mon grand centre d’intérêt. Je ne m’en rappelle plus tellement nous étions accaparés mon frère aîné et moi-même à découvrir ce beau pays qu’est la France. Ce pays en paix ou il n’y avait plus de cadavres, de bombes lacrymogènes qui nous piquaient les yeux même si, à Alger, nous regardions le spectacle des manifestations du haut de la terrasse de notre immeuble au 8ème étage.
Oui ce pays en paix, la neige que nous n’avions jamais vue. Les enfants que nous étions étaient émerveillés.
De cette période d’adaptation dans un nouveau pays, je ne me rappelle plus de cette paix intérieure que je trouvais dans les églises. C’était une autre vie. Je me rappelle de ma crise d’apendicite et de mon hospitalisation et opération. De l’opération de ma maman et surtout des litres de sang qu’elle avait perdus avant. Nous étions des droles de gens un peu repliés sur nous-mêmes, nous ne recevions jamais personne (comme la chanson de Daniel Guichard « Mon vieux »). Nous étions partis quand même d’un pays magnifique. Il y avait la mer, la vraie qu’on voie au fond à 10 mètres tellement l’eau est claire, les jardins avec ses magnifiques plantes tropicales, et la douceur de vivre bien sur avant les attentats.
Finalement, j’ai oublié totalement mon gout du spirituel. Peut-être allais-je au catéchisme mais je ne m’en souviens plus. Après quelques années, lorsque j’ai eu 11 ou 12 ans, j’ai vécu une deuxième fois cette paix intérieure. Lors de ma première communion (donc je devais suivre le catéchisme), nous devions faire une retraite de quelques jours avant le jour J. Je ne me souviens pas de la retraite elle-même, mais d’un moment apaisant, bienveillant, d’un bien-être profond qui m’habita pendant plusieurs jours. Et lorsque nous sommes allés au restaurant et que j’ai reçu une montre comme cadeau, j’étais vraiment en joie, non pas pour le restaurant (même si nous n’y allions presque jamais) ou pour le cadeau (que je n’avais jamais non plus même à Noël), mais pour ce bien-être intérieur qui m’habitait, cette joie profonde.
Ma conscience n’était pas assez grande pour que je puisse comprendre d’où cette joie me venait, mais j’étais heureuse avec ma famille dans mon aube blanche et mes gants blancs et de beaux souliers.
J’ai compris longtemps après que, même s’il ne voulait pas entrer dans les églises pour je ne sais quelle sombre raison, mon père avait aussi une conscience spirituelle. En effet, même si nous ne pouvions pas en parler à la maison, il laissait, voir encourageait ma mère à nous initier à tout cela. Et donc, pour lui aussi, c’était important. Ne choisissons-nous pas nos parents pour ce qu’ils sont, et pour ce qu’ils nous transmettent ou éveillent ?
Je me souviens bien de ce moment et de cette église où j’ai fait ma première communion. Quelques années plus tard, lorsque nous sommes allées maman et moi rendre visite à une amie dans cette ville que j’avais d’ailleurs quittée à 20 ans, j’ai été revoir cette église comme un pélerinage. Evidemment, je n’ai pas retrouvé mon souvenir mais j’ai pris conscience que cela devait avoir été très important pour moi pour que presque 50 ans plus tard je fasse le détour. Mon frère d’ailleurs n’y a rien compris, ni ma mère. Tout cela est mon vécu et comment j’ai rallumé petit à petit mon lien avec le grand tout.
Puis j’ai grandi. Les années ont passé, je n’allais jamais à l’église et ma foi, si j’en avais une, je ne la pratiquais pas du tout. Mon adolescence, avec un père trop ignorant des problèmes des ados, ne m’a pas permis de croire simplement à un avenir meilleur. D’ailleurs, en bon rappatrié et exilé de ce qu’il appelait son pays, ne vivait plus. Il restait beaucoup plus longtemps allongé dans le fauteuil dans le salon à regarder ses canaris dont il continuait à faire un petit commerce ou simplement échange avec d’autres personnes dont c’était le hobbi. C’était d’ailleurs des maghrébins, comme quoi il avait eu vraiment du mal à quitter l’Algérie.
Donc j’ai grandi dans cette ambiance pas très gai avec en plus un papa misogyne. Bref, à 20 ans, j’ai pris la poudre d’escampette et de Grenoble je suis montée à Paris croyant naîvement que tous mes problèmes s’envoleraient. J’avais d’ailleurs raté mon bac, deux fois, alors j’avais une piètre opinion de moi-même. Personne, en effet, autours de moi ne me valorisait. Mon père employait le mot femelle quand il voulait parler de la gente féminine et ma mère aurait bien voulu aussi que je me mari comme ça le problème était résolu.
J’étais donc un problème.
Et puis, comme la vie ne m’a jamais laissée tomber, j’ai été entraînée à passer la concour d’entrée à la Banque de France que j’ai réussi (mais, le syndrôme de l’imposteur aidant, je ne m’en attribuais pas le mérite. Je mettais cette réussite sur le dos du pur hasard qui faisait que la Banque recrutait beaucoup de personnes juste à cette pèriode où je m’étais présentée). Comme quoi, lorsque l’on ne veut pas voir, on ne voit pas.
Je dis « entraînée » parce que mon retour vers ce bien-être profond allait m’être présenté sur un plateau. En effet, la Banque de France proposait à ses employés moulte activités gratuites que l’on pouvait suivre à la pose déjeuner. Rien de plus simple et c’est comme ça que j’ai découvert le Yoga. Je n’y serais probablement pas aller de mon plein gré, j’étais trop perdue pour chercher quoi que ce soit qui me sorte de mon marasme.
En effet, en plus de mon bac raté, mon premier amour dont j’étais follement, éperduement amoureuse me fuyait. C’était LA raison pour laquelle j’avais fui Grenoble. Je n’en pouvais plus de le chercher à chaque coin de rue et de ne jamais le voir. Où le croiser par hazard avec une fille dont je ne savais pas s’il était amoureux ou non. Mon petit coeur était brisé. Le soir, lorsque je partais de la Banque, je regardais toujours s’il n’était pas là à m’attendre. Jusqu’au jour où j’ai appris, par une amie commune, qu’il avait perdu son père auquel il était très attaché. Alors rien ni personne n’aurait pu me retenir, je me suis fait prescrire un arrêt maladie et je suis descendue en trombe, avec ma vieille ami 6 ou 8, à Grenoble. Je l’ai cherché partout. Finalement, je l’ai trouvé et il m’a reçu encore très froidement. Il avait beaucoup changé. Une coupe de cheveux très courte remplassait ses cheveux longs de hippie. Et il était habillé comme un « minet ». J’ai dû me résoudre alors à accepter qu’il avait fait son coming-out, il préférait les hommes. Mais j’avais été la seule femme qu’il n’avait jamais aimée, m’a-t-il dit.
Ces séances de yoga me faisaient un bien fou. Dans ce chemin de la vie qui était la mienne, ces moments de grâce que j’ai eu la chance de connaître m’ont énormément aidée à continuer ma route. Ma conscience s’éveillait et lorsque quelques années plus tard je recommençais à sentir ce tiraillement intérieur que je vivais simplement comme un malaise perpétuel, je repensai au yoga et je me remis en quête de retrouver un cours. Mais la vie en a décidé autrement car c’est comme ça que je découvris la sophrologie.
Je suis devenue Sophrologue
